mercredi 23 juillet 2014

Hier, je t'ai... de Mies van Hout chez Minedition

Hier, je t'ai... Hier... jeter... Hier, je t'ai jeté ? quel est cet oeuf expulsé sur la couverture ? Et cet air interrogatif ?
Hier, je t'ai... de Mies van Hout chez Minedition

De quoi allons-nous parler ?
De ton histoire, petit poussin. De ton histoire, petit d'Homme.

Hier, je t'ai... je t'ai quoi ? hier, avant, au tout début, au commencement... était le verbe. 
Justement, quel verbe mettre à la place des trois petit points ?

D'où vient la vie ?

Ce livre donne leur place aux verbes les plus simples pour raconter le parcours de la naissance à l’envol.
Parce que le poussin (l’enfant qui s'identifie d'emblée) a besoin de mettre des mots sur le monde qui l’entoure et sur ce mystère qui le questionne déjà plus ou moins consciemment : d'où je viens
Oui, puisque ce néant qui précède (et qui nous attend...) est profondément ancré en nous. 
L'évoquer, c'est le rendre moins effrayant.

Les verbes sont : "désiré"," espéré", "attendu", "découvert", "nourri", "consolé", "dorloté", "supporté", "porté", "écouté", "encouragé".... et "laissé t’envoler."

Graphisme et sons compréhensibles

Plus on avance dans "l’élevage" de poussins plus les mots sont écrits avec un graphisme élaboré : police d'écriture, détails et couleurs de plus en plus prononcés. Le graphisme s’enrichit, la vie aussi. Les oisillons dans les lettres, grandissent, se colorient, prennent plus d’espace dans les pages.
La différence visuelle entre la page du verbe « désiRé » écrite avec un R muni de pattes et la dernière page, le dernier verbe "laissé t’envoler" n'échappera pas à l'enfant. Le livre est donc volontairement très épuré au début : avant le petit n'était pas là, juste une idée, un désir. C'est déjà cela et comme c'est rassurant de se l'entendre dire.
Les verbes conjugués sont forcément passifs avant la naissance. Ce sont des verbes d'action après celle-ci, en toute logique. Le "Je" est celui de l'adulte bienveillant (et parfois excédé) qui élève et éduque.

Vers l'autonomie

Le dernier verbe est en fait un groupe de verbes "je t’ai laissé t’envoler". Signifiant je te laisse partir avec la part de sacrifice que cela implique de "laisser faire" ; cette fois la passivité est du côté parental. L’adulte a fini son devoir. Un verbe passif pour l’adulte bienveillant, un verbe d’action pour l’enfant qui a grandi, qui va s’ENVOLER.
Et le poussin a pris sa place. Le T’ de TOI apparaît pour la première fois (en plus du titre). L’oiseau n’est plus oisillon, il fait partie du monde, il a pris son envol parmi tous les autres oiseaux comme le montre la dernière illustration. Maintenant qu’il a bien poussé, il existe de manière autonome.

Pas d'excuses

Ces petits mots "je" "t" et les verbes accolés sont ceux-là même qui nourriront votre petit oiseau. Même de toutes petites oreilles les connaissent déjà. Le reste fera sens par lui-même avec l'illustration qui s'enrichit à chaque page et l'intonation que vous y mettrez avec votre vécu et les souvenirs qui remontent à la lecture.
Donc aucune excuse pour ne pas donner à entendre des mots qui rassurent et qui expliquent l'inconnu de la vie pour un-e nouveau-elle venu-e qui a tant à découvrir.

Un album judicieusement élaboré, d'une simplicité et d’une justesse déconcertantes. Et d’une évidence universelle. Un chef d’œuvre.

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