CACHE de Corinne Dreyfuss
Qu’est-ce qu’un roman ? C’est une narration de fiction dont le lecteur suit les péripéties des personnages. Généralement, il n’y a pas ou peu d’illustrations. Dans le fond, pourquoi les bébés n’auraient-ils pas le droit, eux aussi, à leur roman ? La plupart des gens se diraient « parce qu’il n’y a pas d’illustrations tout, justement ». Eh bien, n’en soyez pas si sûrs...
Caché de Corinne Dreyfuss est donc le premier roman pour tout-petits.
Épais, comme un (gros) roman, constitué de 3 chapitres et d’une préface : ce livre-là a tout du roman. L’histoire commence dans le feu de l’action : en plein milieu d’une partie de cache-cache. Le narrateur compte, puis le clame haut et fort : « j’arrive ! » Mais pour trouver qui ? Il y a un suspens presque insoutenable ! Où se cache le participant ? Dedans ? Dehors ? Le narrateur va chercher dans tous les coins. Croiser des personnages étonnants : comme un chat, un chien et… le plus important, celui ou celle qui lit avec son parent. Mais chut, c’est une surprise ! Et une chute narrative, efficace.
L’auteure joue avec le sens du mot comme le sens de la page : les phrases « je regarde en haut » et « je regarde en bas » sont donc placées en haut et en bas de la page. Le « je ferme la porte » est écrit à l’envers, à lire dans un miroir ou comme sur une porte… fermée. La représentation graphique du mot s’adapte au signifié : le mot PORTE est collé à la paroi du livre et le mot CACHE disparaît presque à la vue du lecteur. Les onomatopées ne sont pas en reste : elles sont mises en scène ; ainsi le bzzz de l’insecte vole à travers les pages.
Habituellement, toutes ces petites marques noires imprimées sur le papier blanc servent à faire parler les adultes et sonnent comme de la musique. Ici, c’est bien plus que cela. Ce sont ces petits signes d’écriture qui tiennent le rôle d’illustration !
Voyez donc : un roman au graphisme merveilleux, sans aucune illustration. Un roman épais avec tous les ingrédients de fiction nécessaires à emporter l’adhésion d’un petit lecteur. Un roman très bien écrit dont le récit lu à haute voix s’écoute avec jubilation. Une idée lumineuse. Il fallait y penser.
Petit bonus : la préface écrite par Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre, qui réaffirme aux parents l’importance du récit pour les bébés et le bien qu’apporte une telle entreprise littéraire initiée par Corinne Dreyfuss.
Si les bébés ont le droit d’avoir leurs propres romans comme les grands, ils ont donc aussi le droit d’avoir ou de voir de l’art. Après le livre sans illustration, voici le livre plein d’illustrations. Et pas des moindres.
Les éditions Palette… proposent un nouvel ouvrage sur l’Art à destination des tout-petits. Et c’est une bonne nouvelle. Après « l’art des bébés », édité en 2012, voici « L’art des Tout-Petits », un collectage judicieux d’œuvres d’art contemporaines classées selon la palette graphique des 3 couleurs de bases : bleu, jaune et rouge.
Cela tombe bien, parce que ce sont des couleurs primaires en peinture. Elles sont vives et saturées donc plus facilement visibles pour un bébé à partir de 4 mois.
Ici pas d’histoires, sauf celles que l’enfant s’imaginera en parcourant l’ouvrage, mais des illustrations forcément étonnantes puisque créées par Matisse, Klee ou le street artiste Monsieur Chat. Des illustrations d’artistes et des petites interrogations en rimes pour susciter questionnement et amorcer les spéculations d’un enfant forcément curieux.
Et oui, si vous en doutiez, le petit humain est né curieux. Lui présenter des illustrations tout le temps différentes, c’est nourrir sa curiosité naturelle. Stimuler ses yeux avec des œuvres d’art ce n’est pas en faire un singe savant ou un futur conférencier d’art contemporain. D’ailleurs, elles ont été choisies pour leur accessibilité, leur simplicité sans rien enlever à leur valeur. Non, c’est simplement proposer d’égayer son quotidien, d’ouvrir son imaginaire, de donner à voir autre chose. Tout ce qu’un bébé recherche naturellement. C’est juste bon pour lui. Sans modération. Là où le livre vous indiquera du Lichtenstein ou du Mondrian votre enfant ne verra qu’un visage, une courbe, un mouton ou de jolies couleurs qu’il prendra le temps de scruter, ou pas. Mais il y prendra beaucoup de plaisir. Puisque le livre lui est destiné et qu’il le découvrira avec un adulte pour un temps d’échange complice.
Caché de Corinne Dreyfuss est donc le premier roman pour tout-petits.
Épais, comme un (gros) roman, constitué de 3 chapitres et d’une préface : ce livre-là a tout du roman. L’histoire commence dans le feu de l’action : en plein milieu d’une partie de cache-cache. Le narrateur compte, puis le clame haut et fort : « j’arrive ! » Mais pour trouver qui ? Il y a un suspens presque insoutenable ! Où se cache le participant ? Dedans ? Dehors ? Le narrateur va chercher dans tous les coins. Croiser des personnages étonnants : comme un chat, un chien et… le plus important, celui ou celle qui lit avec son parent. Mais chut, c’est une surprise ! Et une chute narrative, efficace.
L’auteure joue avec le sens du mot comme le sens de la page : les phrases « je regarde en haut » et « je regarde en bas » sont donc placées en haut et en bas de la page. Le « je ferme la porte » est écrit à l’envers, à lire dans un miroir ou comme sur une porte… fermée. La représentation graphique du mot s’adapte au signifié : le mot PORTE est collé à la paroi du livre et le mot CACHE disparaît presque à la vue du lecteur. Les onomatopées ne sont pas en reste : elles sont mises en scène ; ainsi le bzzz de l’insecte vole à travers les pages.
Habituellement, toutes ces petites marques noires imprimées sur le papier blanc servent à faire parler les adultes et sonnent comme de la musique. Ici, c’est bien plus que cela. Ce sont ces petits signes d’écriture qui tiennent le rôle d’illustration !
Voyez donc : un roman au graphisme merveilleux, sans aucune illustration. Un roman épais avec tous les ingrédients de fiction nécessaires à emporter l’adhésion d’un petit lecteur. Un roman très bien écrit dont le récit lu à haute voix s’écoute avec jubilation. Une idée lumineuse. Il fallait y penser.
Petit bonus : la préface écrite par Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre, qui réaffirme aux parents l’importance du récit pour les bébés et le bien qu’apporte une telle entreprise littéraire initiée par Corinne Dreyfuss.
L’art des Tout-Petits
Si les bébés ont le droit d’avoir leurs propres romans comme les grands, ils ont donc aussi le droit d’avoir ou de voir de l’art. Après le livre sans illustration, voici le livre plein d’illustrations. Et pas des moindres.
Les éditions Palette… proposent un nouvel ouvrage sur l’Art à destination des tout-petits. Et c’est une bonne nouvelle. Après « l’art des bébés », édité en 2012, voici « L’art des Tout-Petits », un collectage judicieux d’œuvres d’art contemporaines classées selon la palette graphique des 3 couleurs de bases : bleu, jaune et rouge.
Cela tombe bien, parce que ce sont des couleurs primaires en peinture. Elles sont vives et saturées donc plus facilement visibles pour un bébé à partir de 4 mois.
Ici pas d’histoires, sauf celles que l’enfant s’imaginera en parcourant l’ouvrage, mais des illustrations forcément étonnantes puisque créées par Matisse, Klee ou le street artiste Monsieur Chat. Des illustrations d’artistes et des petites interrogations en rimes pour susciter questionnement et amorcer les spéculations d’un enfant forcément curieux.
Et oui, si vous en doutiez, le petit humain est né curieux. Lui présenter des illustrations tout le temps différentes, c’est nourrir sa curiosité naturelle. Stimuler ses yeux avec des œuvres d’art ce n’est pas en faire un singe savant ou un futur conférencier d’art contemporain. D’ailleurs, elles ont été choisies pour leur accessibilité, leur simplicité sans rien enlever à leur valeur. Non, c’est simplement proposer d’égayer son quotidien, d’ouvrir son imaginaire, de donner à voir autre chose. Tout ce qu’un bébé recherche naturellement. C’est juste bon pour lui. Sans modération. Là où le livre vous indiquera du Lichtenstein ou du Mondrian votre enfant ne verra qu’un visage, une courbe, un mouton ou de jolies couleurs qu’il prendra le temps de scruter, ou pas. Mais il y prendra beaucoup de plaisir. Puisque le livre lui est destiné et qu’il le découvrira avec un adulte pour un temps d’échange complice.
A quoi rêves-tu bébé ?
En parlant d’artiste, l’auteure He Zhihong est étonnante sur plusieurs points. Tout d’abord elle est calligraphe et enseigne son art. Ensuite, elle a un intérêt particulier pour les visages. Enfin, elle réalise ses œuvres sur du papier de riz ou, ici, de la soie. Ses livres sont donc des reproductions de ses toiles en tissu. L’univers visuel de cette auteure est déjà une découverte qui saura éveiller l’intérêt d’un tout-petit. D’autant plus qu’He Zhihong évoque des situations que le.la petit.e lecteur.trice reconnaîtra avec enthousiasme. Parce qu’elles résonnent en lui/elle.
Entre les deux bébés endormis, celui du début et celui de fin, les scènes oniriques et réalistes se déroulent au fil des pages tournées, rythmées par le « A quoi rêves-tu bébé ? ». L’auteure s’adresse au petit lecteur d’une manière bienveillante : tu n’es pas tout seul à dormir, à te séparer de tes parents le temps d’une sieste ou d’une nuit, à ne pas savoir ce qu’il se passe quand tu fermes tes paupières. Et si c’est plutôt dans les rêves que l’on peut voler, que l’on chevauche des montagnes, que l’on nage avec les méduses, quelle joie de pouvoir le faire aussi à travers un livre.
La façon enveloppante du récit (comme chuchoté à l’oreille) est renforcée par l’usage de l’encre sur soie. L’aspect vaporeux et délicat des fonds en lavis, la précision du drapé sur les vêtements, ajoutés aux pages liminaires à motif en début et fin de livre participent à restituer ce côté « cocon » ou lange dans lequel ou pourrait emmailloter un enfant pour le rassurer et le contenir avec attention. C’est tout l’enjeu de l’auteure qui construit un livre-lange, un livre-doudou de grande qualité artistique.
Entre les deux bébés endormis, celui du début et celui de fin, les scènes oniriques et réalistes se déroulent au fil des pages tournées, rythmées par le « A quoi rêves-tu bébé ? ». L’auteure s’adresse au petit lecteur d’une manière bienveillante : tu n’es pas tout seul à dormir, à te séparer de tes parents le temps d’une sieste ou d’une nuit, à ne pas savoir ce qu’il se passe quand tu fermes tes paupières. Et si c’est plutôt dans les rêves que l’on peut voler, que l’on chevauche des montagnes, que l’on nage avec les méduses, quelle joie de pouvoir le faire aussi à travers un livre.
La façon enveloppante du récit (comme chuchoté à l’oreille) est renforcée par l’usage de l’encre sur soie. L’aspect vaporeux et délicat des fonds en lavis, la précision du drapé sur les vêtements, ajoutés aux pages liminaires à motif en début et fin de livre participent à restituer ce côté « cocon » ou lange dans lequel ou pourrait emmailloter un enfant pour le rassurer et le contenir avec attention. C’est tout l’enjeu de l’auteure qui construit un livre-lange, un livre-doudou de grande qualité artistique.